Par Bruno Ducoux DO | www.bruno-ducoux.fr
Hypothèse : Un système digestif en bonne santé à la naissance, quand il devient réellement fonctionnel, est nécessaire pour prévenir les problèmes respiratoires et neuro sensoriels.
Les expériences viscérales et les informations venant du système digestif suivent les fibres afférentes viscérales le long de la moelle épinière, le tronc cérébral et le système limbique; puis, les informations sont envoyées sous forme de peptides à travers le système neuro végétatif. Les mêmes peptides sont retrouvés dans le système respiratoire. Cette vision systémique participe au maintien de l’homéorhésie.
Pendant les premières années de la vie, les cellules digestives se multipient et leurs connections sont innombrables ; le nombre des alvéoles pulmonaires passe de 20 millions à 200 millions, intégrant les informations envoyées par le système nerveux, immature encore.
L’ostéopathe peut être un point d’appui, un fulcrum, écoutant avec ses mains, envoyant les informations vibratoires, aidant la maturation des différents systèmes, contribuant à améliorer l’immunité du bébé.
Traitement ostéopathique des bébés: une étude de l’Académie d’Ostéopathie de France.
Analyse critique des facteurs de risques attribués au traitement ostéopathique chez les nourrissons jusqu’à 9 mois. : Cette étude a révélé qu’il n’y avait pas d’accidents relevés dans la littérature, ni répertoriés chez les assureurs offrant une couverture responsabilité civile professionnelle aux ostéopathes. Au moment de cette étude en 2005, 217.000 bébés avaient été traités en France pour 440 000 traitements.
Cependant, en 2007, les décrets d’application de la loi de Mars 2002 imposent un certificat médical de non contre indication pour traiter les bébés de moins de 6 mois aux ostéopathes non médecins!
Quelques faits se rapportant aux systèmes respiratoires et digestifs à la naissance:
Les deux sont peu développés et vulnérables: leur structure n’est que partiellement mature, donc leur fonction est fragile. Une tension dans le tractus gastro intestinal après la naissance peut entrainer une diminution de la circulation veineuse et lymphatique et exagérer des dysfonctions dans les autres systèmes par la suite. Les poumons et le tractus gastro intestinal sont les principaux facteurs d’immunité. Le nerf vague et le système polyvagal facilitent un réflexe viscero-visceral: une irritation du mucus gastrique va stimuler la production de mucus dans les poumons. (German 1982) in Sergueff . Les systèmes digestifs et respiratoires ne sont pas vraiment fonctionnels avant la naissance ; le système nerveux n’est pas mature non plus juste après la naissance, les fibres n’étant pas encore myélinisées.
La force vitale chez un nouveau né : Chez un nouveau né, rien n’est fixe dans son corps ; le mouvement est la normalité ; le non mouvement est la mort. Tout peut changer en fonction des informations reçues. La force vitale et le sens du ressenti peuvent modifier les informations vibratoires de ce qui semble dur et non mobile (comme les os). Les vibrations sont transmises partout dans le corps par l’intermédiaire d’un moyen, qui peut être les fascias , tissu constitutif du vivant. Le mouvement dans les fluides se produit dans un système contigu, comme cela est prouvé par les magnifiques images de J.P Guimberteau et celles que nous produisons ensemble.
De nouvelles informations vont changer la matière si l’information se déplace dans des fluides.
Le système digestif
Comme structure, le tractus gastro-intestinal est exposé à l’environnement extérieur. Physiologiquement, il n’est pas prêt à fonctionner pleinement à la naissance.
La position de la colonne vertébrale et de la charnière cranio cervicale est essentielle au bon fonctionnement du nerf phrénique et au maintien d’une bonne digestion la vie durant.
Un dysfonctionnement de la base crânienne aura des incidences sur le fonctionnement du nerf vague. Or, la stimulation parasympathique, principalement à l’aide du nerf vague et des fibres parasympathiques sacrées, augmente le flux sanguin vers l’estomac et le colon descendant (Carreiro p.146)
Les fibres orthosympathiques viennent des segments métamériques T4-L1 et participent au reflexe viscerosomatique. Ils ralentissent les mécanismes digestifs.
Le système nerveux entérique peut fonctionner également sans l’intervention du système nerveux neurovégétatif. (Gershon 1999 in Carreiro p.145)
Le sommeil est le meilleur moment pour la mobilité digestive et les nourrissons qui dorment mal ont plus de difficultés digestives puis des troubles respiratoires.
Tout le tractus gastro-intestinal contient des cellules qui sécrètent des peptides ayant le même rôle que les neurotransmetteurs cérébraux; les mêmes peptides étant rencontrés dans les poumons en développement. (Murphy 1996 in Carreiro p.146). Ces peptides sont multifactoriels et ont des propriétés de régulation immunitaire. Ces peptides sont présents partout et ont un effet anti-inflammatoire à l’aide de fibres afférentes de petit calibre du cordon antérolatéral de la moelle épinière. Ces fibres, par leur connexion dynamique avec les tissus, envoient des informations chimiques au tronc cérébral, aux centres respiratoires et cardiaques, au thalamus, au système limbique et au cortex ; ils aident à maintenir l’homéostasie grâce à la chimie de ces peptides opiacés :
La présence d’une riche innervation opioïde au niveau des plexus entériques suggère naturellement une fonction locale pour ces neurones dans la régulation de la motricité. Puisque des fibres opioïdes existent également dans les ganglions sympathiques prévertébraux, la moelle épinière, le système nerveux central, et que de très nombreux neurones non opioïdes portent des récepteurs opiacés, l’intervention des opioïdes dans la régulation de la motricité intestinale peut être soupçonnée à chacun de ces niveaux
Le système immunitaire du bébé n’est pas mature à la naissance; les cellules immunitaires de la mère (lymphoblastes IgA) vont de la bouche, dans le tube digestif, les poumons et les seins afin de protéger le bébé qui allaite. Les informations sensorielles venant de la nourriture sont envoyées depuis le tube digestif vers les ganglions mais non vers la moelle épinière ; si nécessaire, des peptides sont envoyés partout dans le corps par l’intermédiaire du système lymphatique ; le système viscéral était appelé également le deuxième cerveau par les égyptiens ; en effet, il contient 100 millions de neurones. Peut être ces cellules immunitaires correspondent elles à ce que A.T.Still avait eu l’intuition de nommer “blood seed” car elles ensemencent le sang. La circulation des cellules sanguines et des cellules lymphoïdes dans le mucus peut expliquer l’interaction entre ces différents territoires.
La toute première nourriture absorbée par le bébé après la naissance et les conditions dans lesquels ils absorbent ces “premier repas” sont essentielles pour l’évolution des systèmes digestifs et respiratoires. Ainsi, il est observé que les bébés nourris avec du lait maternisé produisent des peptides dans des proportions bien différentes que ceux nourris au sein pendant les 9 premiers mois. (Murphy and Aynsley-Green 1996 in Carreiro p.152). La croissance et la fonction du tractus gastro intestinal en est grandement affecté. Il serait intéressant d’étudier la corrélation entre les coliques pendant les 3 premiers mois et la nourriture maternelle.
Les stress et les tensions de la mère pendant la grossesse et après la naissance ont des conséquences sur le système digestif du bébé.Les coliques s’améliorent d’elles mêmes vers le quatrième mois et peuvent être en lien avec les irritations vagales, une tension de la région cervicale, une immaturité du système nerveux central et de tensions fasciales au niveau du diaphragme pelvien. Les bébés nés par césarienne programmée ont besoin de recevoir une stimulation neurovégétative manuelle pour compenser le passage par le canal pelvien. Les naissances après césariennes en urgence entrainent également une accumulation de tensions ayant des répercutions sur le système digestif.
Le reflux gastro oesophagien RGO est manifeste quand le contenu de l’estomac remonte dans l’œsophage ; s’il peut être physiologique et naturel dans les deux premiers mois chez 64% des bébés, 5% des nourrissons gardent un RGO à l’âge de 2 mois.
Suite aux renvois gastriques, une irritation des bronches peut être un signe de réflexe d’adaptation vago vagal et un ensemencement de peptides vers le système respiratoire. La position du ligament phréno oesophageal et de l’angle de His moins aigu chez le nourrisson peut être une explication anatomique de ces reflux.Une pression intra abdominale élevée chez le bébé peut être la conséquence de stress ou simplement en lien avec la naissance. (Carreiro 260). Dans les RGO, la production de salive est une réponse à l’irritation de l’œsophage par le système neurovégétatif; les mêmes fibres sympathiques affectent à la fois les bronches et le tractus gastro-intestinal.
Tous ces éléments anatomiques, physiologiques et biochimiques questionnent l’ostéopathe et ramènent à l’élément anatomique qui fait le lien entre le système respiratoire et le système digestif : le diaphragme.
Le lien entre les systèmes digestifs et respiratoires: le diaphragme
A.T.Still aimait à dire que nous vivons et mourrons grâce au diaphragme et que chaque partie du corps était reliée au diaphragme. Par moi vous vivez et par moi, vous mourez. Pouvons-nous lire entre les lignes de Still ainsi que W.G Sutherland le recommandait : Le septum transversum se déplace pendant la troisième semaine de grossesse en suivant un mouvement de flexion depuis la tête jusqu’au centre de la poitrine. La partie centrale et les parties latérales du diaphragme viennent de la même origine mésenchymateuse que la membrane pleuro péritonéale, impliquant des relations entre les fascias respiratoires et abdominaux.
Le tendon central du diaphragme est lui-même relié au péricarde et au diaphragme thoracique supérieur. Ainsi, le péricarde relie les grands vaisseaux issus également du mésoderme et donc fascias fluides au sternum et au diaphragme thoracique.
Des tensions ou blocages du diaphragme vont affecter à la fois les systèmes cardiaques, respiratoires et digestifs.
Les muscles du pharynx sont particulièrement importants chez le nouveau né en relation avec le diaphragme thoracique et le diaphragme crânien : le raphé pharyngien est suspendu au sphénoïde et aux portions pétreuses des os temporaux.L’œsophage passe à travers le diaphragme à proximité de l’aorte et des deux nerfs vagues ; l’ouverture oesophagienne (niveau de T10) laisse également passage non seulement à l’œsophage, mais également aux nerfs gastriques, aux vaisseaux gastriques gauche et aux vaisseaux lymphatiques.
Le mouvement du diaphragme a donc des répercussions importantes sur la mobilité de l’œsophage et du fascia transversalis, qui fait le lien entre l’abdomen et le thorax.
La théorie polyvagale apporte une nouvelle explication de l’importance du système nerveux autonome dans la régulation physiologique, psychosomatique et sociale chez l’humain. A partir du ventre, une bonne cohérence des différents systèmes est essentielle au développement humain. Chez le bébé, si le mouvement du diaphragme n’est pas libre, l’acidité de l’estomac peut remonter dans l’œsophage, entrainant une inhibition du reflexe respiratoire, des douleurs, et quelquefois des apnées.. Des bronchites peuvent être une conséquence fréquente de l’aspiration du reflux acide. Par la suite, ce déséquilibre va se répercuter dasn les dimensions psychologique, d’adaptation existentielle et sociale.
L’ostéopathe, en lien avec les autres praticiens, veillera donc à maintenir une bonne mobilité et une bonne motilité du diaphragme afin de préserver le développement optimal des systèmes digestifs, respiratoires et d’élimination du nourrisson ouvrant les portes vers la santé.